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Le polyhandicap – entre invisibilisation et humanité

« Quelque chose manquerait à notre humanité si elle renonçait à risquer le lien avec les personnes polyhandicapées. »

-Antoine Cavalié

Le polyhandicap est une condition souvent méconnue ou mal comprise de la grande majorité des gens. Comprendre et décrire le polyhandicap peut s’avérer une tâche complexe, d’autant plus qu’aucune définition institutionnalisée n’existe au Québec ni au Canada. Toutefois, le Centre Philou se fait un devoir de développer la recherche au sujet de cette population ainsi que de démocratiser ce savoir pour faire évoluer les pratiques. L’invisibilisation perpétuelle des personnes polyhandicapées dans plusieurs sphères de la société limite leur possibilité d’obtenir une prise en charge en adéquation avec la complexité de leurs besoins, affectant conséquemment leur niveau de vie.  

Ainsi, cette rubrique s’intéresse à la définition du polyhandicap ainsi qu’aux composantes de cette réalité. Elle se penche sur les mythes associés au polyhandicap et l’exceptionnalité de cette population. 

Définition et tour d'horizon

Le polyhandicap est un déficit moteur grave issu d’un dysfonctionnement cérébral précoce entraînant une mobilité réduite et une restriction considérable de l’autonomie, associé à une déficience intellectuelle. À ces deux conditions s’ajoutent des difficultés associées qui varient d’un jeune à l’autre et qui sont étroitement liées. Cette coexistence de conditions génère une situation d’extrême vulnérabilité physique, psychique et sociale.

La déficience intellectuelle affecte le développement du langage, le repérage dans le temps et l’espace, les liens logiques entre les événements ou les éléments, la résolution de problèmes ainsi que la mémoire à court terme. De son côté, la déficience motrice affecte les habiletés motrices globales et fines, la force musculaire, les capacités orales, le niveau d’énergie et la vitesse d’exécution de certaines tâches. Les personnes polyhandicapées sont totalement dépendantes pour tous leurs besoins au quotidien: manger, dormir, s’habiller, se déplacer, les soins d’hygiène, les médicaments, etc. Celles-ci ont besoin d’assistance tant pour leurs besoins vitaux que pour leur épanouissement. Leur potentiel est vaste, mais est déterminé par le soutien que leur famille et elles-mêmes reçoivent. 

Handicap, multihandicap ou polyhandicap ?

Le terme « handicap » réfère à une déficience entraînant une incapacité significative et persistante. Cette déficience motrice, intellectuelle, de la parole, auditive, visuelle ou autre, est sujette à causer des obstacles dans l’exécution d’activités au quotidien. Différemment, le terme « multihandicap » fait référence au fait d’être affecté par plus d’un handicap. Ces handicaps s’additionnent alors, mais n’interagissent pas nécessairement. Par exemple, une personne multihandicapée peut être aveugle et amputée d’une jambe. Les deux coexistent, mais ne s’exacerbent pas. En contrepartie, les personnes polyhandicapées vivent une juxtaposition de handicaps. C’est-à-dire que leurs handicaps se multiplient et s’aggravent en raison de leur multiplicité, rendant l’état de la personne plus complexe. Par exemple, la déficience intellectuelle profonde d’un individu pourrait l’empêcher de marcher en raison de son incapacité à se repérer dans l’espace, entraînant ainsi une déficience motrice importante.

Déconstruire les mythes

Le monde du polyhandicap est parsemé de mythes fondés sur des préconceptions erronées. Leur déconstruction est essentielle.

La personne polyhandicapée ne comprend rien.

La déficience intellectuelle n'annule pas les capacités de la personne de comprendre des mots, des expressions faciales ou même des intonations. Il n’est pas difficile pour elle de comprendre si une personne l’apprécie ou non. 

La personne polyhandicapée ne vit que des difficultés.

Les difficultés de la personne polyhandicapée s’accompagnent de ses forces et de ses capacités, comme n’importe quelle autre personne. 

La personne polyhandicapée ne peut pas apprendre.

Lorsqu’on apprend à connaître la personne au-delà de son polyhandicap, un grand potentiel d’apprentissage se concrétise. Il s’agit de prioriser un environnement favorable au développement de la personne ainsi que de ses forces. 

La magie de la clientèle polyhandicapée

Antoine Cavalié, philosophe français, s’interroge sur le principe de la normalité chez l’être humain et la nature « anormale » que nous associons au polyhandicap. Il explique : « la nature en faisant naître ces êtres nous surprend et nous interroge : qu’est-ce qui fonde notre commune humanité, si ce n’est pas la ressemblance de nos corps et leurs capacités élémentaires ? ». 

À cette question, le Centre Philou y répond que notre humanité se fonde dans notre vision à améliorer la qualité de vie des enfants et jeunes adultes polyhandicapés ainsi que celle de leur famille. À travers une approche se basant sur la bienveillance, la collaboration, le plaisir, la créativité, la qualité et l’innovation, nous œuvrons à insuffler de la vie dans leurs jours. 

Cavalié nous illumine sur la beauté du moment présent vécu avec les personnes polyhandicapées « la douche peut être une fête, et le repas une épreuve […] les soignants développent une sensibilité à l’intrigue des petits défis de chaque jour ». Il ne s’agit pas seulement d’une bouche à nourrir, d’une couche à changer et d’un corps à laver – il s’agit d’une relation d’écoute et l’édification d’une complicité sans égal. Les personnes polyhandicapées nous remplissent de fierté dans leurs réalisations du quotidien, nous émeuvent dans leur émerveillement face à l’anodin et nous guident dans la complexité de leurs besoins. 

C’est à travers de simples gestes du quotidien. Une complicité dans les petits moments. La fierté d’un infime accomplissement. Peu importe ce que les autres pensent… Ensemble, on se tient.

Sources

  • PhilouLAB – Campus Philou.
  • Cavalié, A. (2017). Chapitre 4. La rencontre avec la personne polyhandicapée : un regard philosophique. Dans : Philippe Camberlein éd., La personne polyhandicapée (pp. 131-141). Paris: Dunod. https://doi.org/10.3917/dunod.ponso.2017.01.0131.

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Au nom des familles et de leurs enfants, au nom de de toute l’équipe qui travaille avec amour et ardeur au Centre Philou, nous vous remercions du fond du coeur de croire en nous, de nous donner le courage et l’énergie de continuer à grandir.